Comme nous l’annoncions dans les dernières Bazarettes, la Royante fait actuellement l’objet d’une étude. Les recherches étant en cours, un compte-rendu de son histoire et de son évolution paraîtra ultérieurement.
Un de ses éléments architecturaux mérite néanmoins de déjà lever le voile sur cet édifice : sa chapelle néo-gothique.
Accessible directement par le bâtiment ou par l’extérieur, cette chapelle se situe dans une aile perpendiculaire au corps de logis, la rendant ainsi bien identifiable.
La nef est composée de deux travées couvertes de voûtes d’ogives, appuyées sur des colonnettes engagées à chapiteau corinthien. Chaque travée est ornée de deux statues des Evangélistes de part et d’autre.
Le chœur se termine par une abside à pans coupés, éclairée par cinq vitraux très colorés de Saint Thomas, la Vierge, Saint Dominique, Saint Joseph et Saint François.
Il est doté d’un autel, dont le tabernacle, surmonté d’un petit dais, est entouré de deux scènes : à gauche, un agneau nimbé, symbolisant le Christ, se trouve sur un promontoire d’où coule une source, à laquelle deux cerfs – les fidèles – s’abreuvent ; à droite, deux colombes boivent dans la même coupe, symbolisant la douceur et les vertus chrétiennes.
Devant l’autel, le pavement, orné de motifs néo-romans, porte l’inscription « Pavete ad sanctuarium meum », c’est-à-dire « Soyez saisi d’effroi à l’approche de mon sanctuaire ». Juste au-dessus, un dragon ailé se contorsionne à l’intérieur de trois cercles. Les initiales du couple à l’origine de cette chapelle, Fortuné et Thomasine Broquier, figurent de chaque côté de l’autel.
Fortuné Broquier, avocat à Marseille, proche de hauts fonctionnaires de la Couronne, acquit en 1857 le domaine de la Royante, qui s’étendait alors sur 11 hectares.
Le bastide étant située à une demi-heure de l’église, à l’ouest de la ville d’Aubagne, Fortuné Broquier proposa aux autorités ecclésiastiques de construire une chapelle afin que lui et ses hôtes puissent bénéficier de la célébration de messes. C’est le pape Pie IX lui-même qui accorda sa bénédiction au couple Broquier, témoignant ainsi de l’influence de cette famille. Il leur adressa trois lettres entre 1874 et 1877 : elles fixent l’organisation des messes, indiquent quel mobilier adopter et mentionnent la possibilité d’héberger des religieux dominicains, Fortuné Broquier étant très lié à cet ordre – d’où le choix de la titulature de Sainte Catherine de Sienne.
Les messes organisées à la Royante connurent un réel succès auprès des gens du quartier, à tel point que les autorités religieuses locales s’en inquiétèrent et que Pie IX dut réitérer son appui à la famille Broquier dans sa troisième lettre.
Ces trois lettres permettent de situer la construction de cette chapelle au début des années 1870, datation confirmée par la parenté stylistique marquante entre certains éléments de la chapelle et de l’église Saint Barthélémy à Marseille (XIVè arrondissement). Ainsi les deux autels sont très similaires dans leur iconographie, or celui de Saint Barthélémy a été réalisé en 1872 par Gaullier. On peut également rapprocher leur pavement en ciment, teinté dans la masse, ainsi que leur architecture intérieure : Saint Barthélémy, dont les plans ont été établis par Verdier et Condamin, est dotée elle aussi d’une nef unique sur croisée d’ogives et d’une abside identique.
Ainsi, en abordant une petite partie de l’histoire de la Royante au travers de celle de sa chapelle et de ses propriétaires, il apparaît évident que l’étude du domaine comporte un réel intérêt pour mieux connaître l’histoire régionale.
Grâce à l’accord des propriétaires actuels de la Royante, Xenia et Bernard Saltiel, que nous remercions vivement pour leur soutien et leur aide, l’association envisage l’ouverture de la bastide au public à l’occasion des Journées du Patrimoine 2011, manifestation qui marquera l’aboutissement du travail de recherche en cours.
Par Hélène Morel